Une rencontre inter-religieuse a été organisée le 12 octobre 2014 à l’initiative du Centre Bouddhiste Shinnyo, de la Paroisse Saint François-de-Sales et de la Synagogue Kehilat Gesher, auxquels se sont joints des représentants d’autres courants spirituels et religieux, notamment de la Grande Confrérie Soufie Naqshbandiyya, des Frères Dominicains, du Centre Assise du Père Breton, du Grand Orient Arabe Œcuménique, de la Paroisse Orthodoxe de la Très Sainte Trinité, de l’Eglise suédoise Luthérienne.
Cette rencontre a fait l’objet d’un article sur le site internet du Monde des Religions.
La rencontre a été précédée d’une initiation à la méditation Zen sous la direction de Christophe Maitre du Centre Assise du Père Jacques Breton, à laquelle soixante-dix personnes ont participé, puis d’une méditation de Shinnyo.
lire quelques extraits des discours …
➢ Après avoir remercié tous les participants et présenté très rapidement le Centre Bouddhiste Shinnyo, Vincent Bessou a rappelé que cette rencontre, organisée à l’occasion de la commémoration de la 1ère Guerre Mondiale, avait pour but de susciter une réflexion commune sur la contribution que peuvent apporter les différentes voies spirituelles et religieuses dans la construction de la paix et de l’harmonie dans le monde. On accuse souvent les religions d’être à l’origine de conflits, de discordes. Pourtant, les grandes traditions religieuses sont toutes porteuses du message d’amour de l’autre. Par ces échanges, il s’agissait donc de réfléchir à la façon dont nous pouvons contribuer concrètement, à notre échelle, à incarner ce message de compassion et d’ouverture aux autres, et faire ainsi changer l’image négative que partagent de nombreuses personnes. Dans le Bouddhisme Shinnyo, a-t-il ajouté, nous considérons que les religions irriguent le monde et que, telles les rivières, elles se déversent toutes dans le grand océan. Cela signifie, pour nous, que chaque rivière, même si elle suit un parcours différent, aboutit à un état d’harmonie, d’unité et de paix. L’humanité étant diversifiée, la pluralité des chemins est nécessaire pour que chacun puisse trouver la voie qui lui convient. Il a donc été proposé aux participants de réfléchir ensemble à la façon dont nous pouvons, sur la base profonde de nos pratiques respectives, nous ouvrir davantage aux autres, au-delà de nos différences. |
➢ Le curé de la Paroisse Saint François-de-Sales, le Père Gabriel Delort Laval, a ensuite exprimé un certain nombre de remarques. Tout d’abord que les religions permettent de vivre ensemble et que, par essence, elles relient les hommes entre eux, donc sont par nature pacifiques. Que par ailleurs les guerres de religion au sens strict, qui visent à convertir par la force, sont peu nombreuses et que le plus souvent la religion est utilisée à des fins non religieuses. Qu’enfin, on doit constater que la paix n’est pas la situation normale, mais qu’il faut la construire, que c’est une mission qui nous est confiée par Dieu. La religion permet de voir en l’autre non pas une menace, mais un frère. En tant que chrétiens, ajoute-t-il, nous avons tous le même Père et nous sommes donc tous frères et sœurs. Même nos ennemis sont nos frères car eux aussi sont aimés de Dieu. |
➢ Le Rabbin Tom Cohen a exprimé sa joie de participer à cette rencontre qui coïncide avec la période fraternelle de Souccot, la Fête des Tabernacles. Nous sommes tous frères et sœurs ajoute-t-il et le nom de la synagogue, Gesher, signifie le pont, la passerelle, qui relie les hommes, au-delà de la foi, en se fondant sur la confiance. Le but de chacun, c’est d’être entier, complet. C’est d’ailleurs la vraie signification du mot shalom qui signifie complétude, accomplissement. |
➢ Sheikh Amanoullah (Philippe De Vos) de la Grande Confrérie Soufie Naqshbandiyya, évoque l’histoire de cette princesse qui se déguise en pauvre femme pour se rendre au marché. Un commerçant, la prenant pour une voleuse, la chasse de sa boutique. Mais le fils d’un ministre la reconnait ; conscient de son erreur, le commerçant rappelle alors la princesse, mais celle-ci lui répond en souriant qu’il est trop tard car il n’a pas su la reconnaître. La princesse c’est la présence divine qui apparaît sous des vêtements différents. Comme les rivières qui perdent leur nom lorsqu’elles se fondent dans l’océan, il n’y a pas de différences entre tous les envoyés divins. Si chacun élargit son cœur, alors la paix est sans doute possible. Sachons recevoir la totalité de l’héritage divin. Nous sommes tous de la même famille comme les doigts de la main et c’est lorsque nous sommes tous ensemble que nous sommes le peuple de Dieu. |
➢ Geneviève Girault fait part des actions engagées depuis plusieurs années par le groupe de dialogue interreligieux de la paroisse Saint François-de-Sales pour établir des liens avec les autres communautés religieuses de l’arrondissement : lecture mensuelle de la Bible à la Synagogue, participation à des fêtes juives, à des événements commémoratifs de la Shoah, pose de plaques commémoratives dans les écoles avec l’AMEJD, prières communes pour la paix, rencontres inter-religieuses à l’occasion du Centenaire de l’Eglise, participation à des séances de méditation au centre bouddhiste, etc. |
➢ Le frère dominicain Franck Guyen témoigne ensuite de son expérience de rencontres avec les autres traditions religieuses. On peut tous se rejoindre à travers la beauté, précise-t-il, comme celle de la statue du Bouddha couché du temple shinnyo ou du morceau de musique que l’on vient d’écouter. Tous les hommes sont animés par un désir d’autre chose que le quotidien, qui donne un sens plus grand à ce que nous faisons de beau. L’homme est en ce sens constitutivement religieux car il est à la recherche de sens pour ce qu’il fait. Quelle que soit la religion, il y a toujours cette aspiration au grand, au beau, à l’absolu. En tant que chrétien dominicain, je pense, affirme-t-il, que la réalité ultime existe, qu’on peut la rencontrer et qu’elle cherche à se faire rencontrer. Dans la religion chrétienne, cette réalité s’appelle Dieu et elle s’est faite homme en la personne de Jésus de Nazareth. Il y a aujourd’hui une transfiguration du monde ; toutes les religions sont facteur de communion entre les hommes, entre, à travers, et sous les différences qui sont source d’enrichissement mutuel. |
➢ Edith Chevalier, de la paroisse Saint François-de-Sales, évoquant son expérience personnelle de pratiquante catholique confrontée à la nécessité d’une compréhension inter-religieuse avec son fils devenu bouddhiste, raconte ce qu’il lui a fallu développer pour une culture de dialogue authentique. Savoir tout d’abord sortir de sa chapelle et aller à la rencontre de l’autre, avec un regard bienveillant. Ecouter attentivement pour mieux connaître l’autre et comprendre les racines de sa foi. Cultiver l’ouverture d’esprit, au-delà de ses propres croyances « Tout ce qui s’élève converge » disait Teilhard de Chardin. C’est par la prière qui s’élève que nous parviendrons à la paix qui est le don de Dieu. |
➢ Catherine Bensaid, psychiatre et psychanalyste, auteur de nombreux ouvrages, évoque le fait que la paix est bien en chacun de nous, mais que ce sont nos ombres, nos douleurs qui nous divisent. C’est à partir de ce qui nous fait mal que nous allons avoir tendance à faire mal aux autres. Il est important de retrouver ce silence intérieur troublé en permanence par nos peurs, notre culpabilité. La peur est avant tout celle d’être différent de ce que l’on attend de nous. Si on accepte d’être différent, on sera plus tolérant avec le choix des autres. Il en est de même pour la colère. Nous sommes souvent en colère de ne pas être parfaits, de ne pas être respectés. La culpabilité, elle aussi, est un grand ennemi de la paix. Lorsqu’on s’estime coupable, on rend l’autre coupable et on se sent victime. Pour être en paix, il faut renoncer au pouvoir, au savoir, à l’avoir. La paix est là, maintenant. Elle est ce silence intérieur, cette acceptation de ce que l’on est, dans l’amour qui devient don, communion, amour inconditionnel qui permet de regarder l’étincelle divine qui est en l’autre. On accepte la vie dans ce qu’elle nous donne. La méditation, l’amour pour l’autre permettent de dissoudre nos ombres. |
➢ Un participant souligne que ce serait une erreur de considérer les athées comme n’ayant pas de cœur, de compassion, de recherche de lumière. Il remarque qu’il n’est pas facile d’aller vers l’autre, vers une autre religion. Avoir de la compassion est finalement confortable, tandis qu’essayer de comprendre les idées de l’autre est beaucoup plus difficile. |
➢ Un autre participant, musulman et bouddhiste considère que les choses qui relient les hommes sont plus nombreuses que celles qui les différencient. |
➢ Un magistrat fait part de son expérience professionnelle : elle lui a permis de constater que la haine trouve son origine dans l’histoire de la personne et avant tout dans l’humiliation qui, en méconnaissant la dignité de l’autre, engendre frustration et violence. Il est indispensable que les religions contribuent à la dignité de chacun. |
➢ Une personne, qui se présente comme étant athée, fait valoir que tout en étant athée, on peut être aussi en recherche de sagesse. |
➢ Une bouddhiste, chef d’entreprise, fait remarquer que pour atteindre le bonheur, il faut faire de bonnes rencontres (un bon maître) et faire un travail sur soi. De nos jours en effet, il y a un manque de lien entre le message religieux et sa mise en pratique concrète dans la vie quotidienne. |
➢ Autres points évoqués : • L’hostilité envers l’autre tient aussi à un manque d’amour • Le Père Jacques Breton du Centre Assise a démontré qu’il est possible de créer un pont entre le christianisme et le bouddhisme Zen. • La paix viendra lorsque chacun s’aimera avec ses propres zones d’ombre et de lumière et lorsque l’homme ne réfléchira plus avec son mental mais avec son cœur. • Il est important que les religions prennent conscience de la nécessité de faire la paix avec la création, donc avec la nature et notre environnement. |
➢ Reprenant la parole, Tom Cohen estime que la vraie prière devrait être dérangeante ; elle doit forcer à réagir. Il faut aussi se dire qu’on ne détient qu’une parcelle de vérité et non la Vérité. |
➢ Le père Gabriel Delort Laval revient sur le thème de la culpabilité qui permet de conduire au pardon. Saint Augustin déclarait que la paix c’est la tranquillité de l’ordre. Mais la tranquillité du désordre, de l’injustice, ce n’est pas la paix. Pour vouloir la paix, il faut être acteur de la justice, combattre l’injustice. |
➢ Pour Philippe De Vos, le repentir c’est se recentrer. Il est important de réfléchir au rôle, au sens du mal, ce mal qui est bien là alors que tout ce qui est vient de Dieu. |
➢ Catherine Bensaid souligne que la culpabilité rend malheureux et qu’il est plus important d’avoir le sens de la responsabilité pour demander pardon à l’autre et réparer le tort causé. |
➢ Guèn Kelsang Lhamo fait valoir que la culpabilité est une colère envers soi qui paralyse et qui conduit à se sentir humilié. Celui qui perd la dignité de lui-même peut-il voir la dignité en l’autre? Si on ne veut pas être humilié, il faut développer une ouverture d’esprit, une humilité qui permet d’apprendre des autres. Les autres pratiques renforcent notre propre foi. Si l’on a une vraie pratique, on n’a pas peur des traditions différentes. Il est important de descendre du sommet aride de la montagne de notre orgueil pour aller dans la vallée où se manifeste la richesse de la vie. Elle conclut par une parole de son Maître ; « il n’y a pas de personne plus bas que moi ». |
A la fin de ces échanges, le Rabbin, une paroissienne de Saint François-de-Sales, Philippe De Vos et les membres de la communauté bouddhiste, ont chanté ou récité chacun à leur tour une prière pour la paix.
Vers 18h30, les participants ont alors été invités à partager un moment de convivialité autour de rafraîchissements et de thé vert japonais dans une ambiance très chaleureuse.
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